Party Time ! | Hanna |

Aujourd’hui avait été une des journées les plus tranquilles depuis un bon moment. C’était une journée off pour tout le monde et Hanna en avait profité pour passer sa journée chez elle. Elle avait dormi jusqu’à pas d’heure, épuisée comme jamais. A force de se dépenser autant dans son boulot, elle en avait oublié que son corps ne supportait plus autant de fatigue. Alors pour une fois, elle prenait soin d’elle. Enfin, si on voulait. Elle s’était levée, avait trainé au lit en regardant la télé et en grignotant des cochonneries. Elle se morfondait oui. Comme d’habitude depuis un petit moment. De toute façon, elle n’avait personne à voir pour se changer les idées. Elle n’avait pas d’amis ici et son boulot faisait qu’elle n’avait pas vraiment le droit d’en avoir. Ou plutôt, qu’elle devait s’en méfier comme jamais. Alors autant rester enfermée chez elle à regarder la télé au moins personne ne risquait de venir lui faire de mal de cette manière. Elle savait qu’elle n’arrivait pas à s’en sortir mais elle ne voulait pas entendre que ce qu’elle faisait n’était pas bien et ne l’aidait en rien. Avant, elle serait sans doute allée voir Tom, pour discuter de tout ça et ils auraient sans doute terminé la soirée à autre chose mais au moins il l’aurait rassurée. Sauf que là, elle ne voulait même plus entendre parler du tressé, pas après ce qu’il lui avait balancé dans la gueule l’autre fois. Alors elle restait simplement enfermée chez elle, tentant d’oublier tout ça comme elle pouvait. Elle espérait juste que pour Bill ça soit différent, que lui souriait et passait enfin à autre chose. De toute façon, tous deux ne devaient pas rester là-dessus, certainement pas. Sinon ils ne s’en sortiraient pas…

Alors la jeune femme ne bougea pas de son lit avant la fin de l’après-midi. Il valait mieux pour elle qu’elle se prenne une douche histoire d’être tout de même présentable si jamais on l’appelait au dernier moment pour elle ne savait quel boulot de dernière minute. Elle traina des pieds jusqu’à sa salle de bain et laissa l’eau chaude délasser ses muscles l’espace d’un instant. Elle en avait vivement besoin. Une fois sa douche terminée, elle en sortit et s’habilla rapidement. Elle était occupée à se sécher ses cheveux avec une serviette quand elle entendit sonner puis frapper. Elle soupira. Et voilà, elle s’en doutait parfaitement là. A croire qu’elle ne pouvait vraiment pas avoir une journée entière de libre. De toute façon, cela devait être quelqu’un du staff qui était venu la chercher, personne d’autre n’avait cette adresse. Elle ne l’avait laissée à personne exprès. Elle ne voulait vraiment pas que n’importe qui ne vienne la voir. Alors elle se dirigea vers l’entrée de son petit appartement, s’occupant toujours de ses cheveux avec sa serviette. Elle ouvrit rapidement la porte.

« Bon je dois venir pour quoi cette fois… »

Mais elle se stoppa aussitôt en voyant qui elle avait devant elle. Sa serviette toujours dans ses cheveux. Bill était là, juste devant ses yeux. Mais il faisait quoi ici ? Pourquoi était-il venu ? Il lui voulait quoi ? En deux secondes des milliers de questions prirent possession de son esprit. Comme si le temps s’était arrêté et qu’elle ne savait plus quoi faire pour bouger.

« Euh je … Bill tu … »

Sauf qu’elle vit une bande de jeunes passer à l’étage et observer Bill assez étrangement. En même temps, le chanteur n’avait pas forcément l’habitude d’être vu dans ce genre de lieu. Alors elle soupira et s’écarta, le laissant entrer.

« Dépêche-toi, il ne vaut mieux pas que des journalistes viennent par ici … »

Enfin ça c’était surtout pour lui parce-qu’elle aurait la paix. Elle ferma la porte derrière l’androgyne et se dirigea automatiquement vers sa salle de bain, comme pour l’éviter au maximum.

« Pourquoi t’es venu jusqu’ici … ? »

Et elle attrapa sa brosse pour démêler ses cheveux, observant son reflet dans le miroir face à elle. Mais pourquoi était-il venu la voir chez elle ? Sans doute pour qu’elle ne le fuit pas, comme à chaque fois.

Qu’il soit là ne la rassurait pas du tout. Ne sachant pas à quoi s’attendre, elle avait préféré s’éclipser en beauté vers la salle de bain. Surtout avec une tête comme la sienne. En même temps, s’il l’avait prévenu qu’il viendrait, elle ne se serait pas faite belle. Non, elle aurait bien prit la poudre d’escampette en ville à se cacher de toute la journée et soirée de lui. Voire toute la nuit si c’était nécessaire. Sauf que là, elle n’avait pas vraiment d’échappatoire. Elle allait essayer de se défiler, évidemment, mais déjà la façon dont elle sentait le regard de son ancien petit ami sur elle, elle se doutait que c’était peine perdu. Qui ne tente rien n’a rien hein. Elle se concentrait sur ses cheveux qui se laissaient démêlés de mieux en mieux, ne prenant pas la peine de regarder dans le miroir où se trouvait Bill, ou encore moins se retourner. Elle angoissait de savoir pourquoi il était venu. Elle regrettait aussi déjà de l’avoir fait rentrer, se rendant compte que ce n’était pas intelligent du tout. Mais bon, ce qui était fait, était fait. Point final. Elle réussit à venir à bout de ses cheveux et soufflait de soulagement. Elle penserait à se les brosser avant de dormir, elle galérait moins le lendemain.

Finalement, elle levait les yeux pour voir où il se trouvait et se rendait compte qu’il n’était pas là, même si elle sentait sa présence. Donc elle délirait avant de sentir ses yeux derrière son dos. Elle aurait encore besoin de dormir quelques heures avec des hallucinations comme celle-ci. Elle entendit enfin sa voix et arqua un sourcil dans le miroir, le voyant enfin arriver dans l’embrasure de la porte. Juste rendre visite, elle n’en croyait pas un seul mot. Avec le mot « ami » en plus, le tableau ne se réaliserait jamais. Il devait le savoir depuis le temps. Elle savait qu’il n’allait pas bien – plus ou moins – mais elle avait prit une décision. Autant l’assumer et la contenir le plus longtemps possible. Elle resta figer un instant, avant de prendre ses affaires de maquillage et de se faire belle. Non, pas pour lui, juste pour elle, que ce soit bien clair.

« Hum »

Fut sa seule réponse en fait. Que dire de plus ? Genre « oh mais tu n’avais pas besoin de venir, tu sais ». Il savait qu’il n’aurait pas du venir et qu’elle aurait préféré être à l’autre bout de la terre qu’ici à ce moment très précis, mais elle en avait marre de se répéter. Elle commença à appliquer du fard quand il reprit la parole. Elle arrêta tous ses gestes, prête à riposter, mais elle n’en eut même pas le loisir. Avait-elle réellement bien comprit qu’elle ne pourrait même pas dire non et qu’il l’harcèlerait jusqu’à ce qu’elle cède !? Et oui. Elle finit son maquillage, un léger frisson en entendant « ma chérie » de la bouche de son ex. Elle posait son maquillage et voulut rectifier ses cheveux une dernière fois avec la brosse, quand elle se fit soulever.

« Bill ! Arrête ça !! »

Sauf que c’était comme parler à un mur. Elle eut le réflexe de s’accrocher à lui – histoire de ne pas tomber – et restait muette un petit temps. Elle devait rêver, l’androgyne ne serait pas capable de la kidnapper. Mais merde, c’est ce qu’il faisait. Elle réalisa enfin, et tournait son regard vers le visage du chanteur. Il avait l’air tellement déterminé qu’elle en avait carrément peur. Elle baissait la tête, regrettant vraiment amèrement de l’avoir accepter dans son appartement. Quelle idiote. Elle n’osait même rien dire, sauf quand elle remarquait qu’elle était dehors et que la voiture n’était pas loin.

« Repose-moi ! Ce n’est vraiment pas drôle là ! »

Il l’assit à la place " passager " et rapidement fit le tour. Au moment où elle voulut ouvrir la portière pour partir, elle se retrouvait coincée dans la voiture. Elle fixait Bill, ne sachant pas si elle devait lui sauter dessus pour déverrouiller les portes ou juste attendre et ne rien dire, en espérant qu’il ne pousse pas sa folie plus loin. Grâce aux films américains – pour une fois qu’ils servent à quelque chose – elle savait qu’une personne qui n’allait pas bien mentalement n’était pas conscient de ce qu’il faisait. Et si elle le brusquerait trop, elle risquerait que la situation tourne mal. Ou juste qu’elle regarde trop de ces séries et qu’elle a peur de cette personne qui a totalement changé pour elle.

Voir ces lèvres qu’elle avait si bien connu se rapprocher des siennes lui fit encore plus peur. Elle ne bougeait cependant toujours pas. Elles finirent leur course sur sa joue – heureusement pour elle – alors que l’une des mains de son ex était sur son autre joue. Elle avait chaud, vraiment trop chaud. Une chaleur étouffante. Autrefois, elle l’aimait ce contact, là, elle le repousserait bien si elle n’était pas si paralysé par les évènements. Le moment où elle sentit le souffle de l’androgyne si proche de son oreille, elle en retint son souffle, chaque muscle de son corps tendus d’appréhension. Non, elle n’en avait pas envie, mais alors pourquoi lui faisait-il cela ? Serait-ce égoïste de vouloir partir ? Vraiment pas, elle avait le droit de faire ce qu’elle voulait après tout, n’est-ce pas ça vivre librement ?

Ses doigts étaient encore sur sa joue. Elle préférait ne rien dire et tourner la tête vers l’extérieur. Elle attacha sa ceinture sans un mot. Elle voulait juste être demain pour oublier ces moments de peur intense. Bien sûr que la personne à côté d’elle l’attirait et la rendait folle, mais l’avouer à haute voix serait une erreur alors elle préférait faire taire son cœur et sa raison. Elle sentit la voiture partir et la ville bouger autour d’elle. Quelques regards se perdaient par moment sur le côté vers le brun, mais ce n’était que très furtif et c’était assez se disait-elle. Avait-il envie de la reconquérir ? Oui, elle en était certaine, mais elle ne pourrait pas lui donner ce qu’il désirait. Non, et puis, non voilà, elle en avait marre de le penser nuit et jour. Tout cela était terminé, enterrer, mort ! Enfin, elle essayait simplement de s’en convaincre encore et toujours.

Hanna aurait vraiment aimé qu’il la pose, qu’elle reparte chez elle, qu’elle s’enferme et qu’elle fasse comme si de rien n’était. Sauf qu’il en avait voulu autrement et elle ne faisait pas le poids contre lui. Corps à corps, peut-être, mais son cœur lui hurlait de céder. Et elle s’en voulait encore plus d’avoir ouvert cette foutue porte au lieu de d’abord regarder qui était derrière celle-ci. Elle y penserait toujours désormais, elle ne s’y reprendrait pas deux fois. Les regards qu’il lui jetait dans la voiture la déstabilisaient, mais elle gardait la tête droite et faisait en sorte de ne pas croiser ces magnifiques yeux. Magnifique !? Non juste ouais, normaux. Son attention n’était pas uniquement sur la route qui défilait devant ses yeux, aussi fort l’aurait-elle voulu. Elle avait toujours entendu « quand on veut, on peut ». Elle se rendait compte que ce ne s’appliquait pas toujours, malheureusement. Ne bougeant pas beaucoup, elle ne se souvenait déjà plus où Bill avait dit qu’il l’amènerait. Tout avait été si rapide qu’elle n’avait pas prit le temps d’analyser ces propositions. Elle n’avait pas pu dire non de toute façon.

Son regard s’égara encore une fois. Elle pouvait voir l’androgyne se lécher les lèvres. Un long frisson la reprit sans qu’elle ne puisse le contrôler. Elle n’eut pas le choix que de laisser les souvenirs remonter. Son esprit partait totalement ailleurs. Les bons souvenirs, comme les mauvais. Ses souvenirs s’embrouillaient, se mélangeant n’importe comment. Elle souffla et se remit à la " contemplation " du dehors. La voix du chanteur brisa le silence qu’ils avaient instauré depuis le début du voyage. Que dire en même temps ? Elle n’allait pas se détacher et se jeter à l’extérieur, elle n’est pas suicidaire non plus. Elle lançait un regard au CD sans le toucher. Elle n’appréciait pas ce silence pesant, mais elle ne voulait pas non plus mettre de la musique.

« Non »

Dit-elle peut-être un peu froidement, mais c’était juste pour soutenir un ton sec qui ne tremblerait pas sous le fait qu’elle était encore morte de peur. Elle se doutait qu’il ne lui ferait pas de mal, mais simplement sa façon de faire la déstabilisait. Elle lui avait dit de se bouger, mais elle ne pensait pas à ça. Juste qu’elle avait cru qu’il comprendrait qu’il fallait une distance entre eux. Il n’avait pas eu le message apparemment. Cependant, elle ne savait pas si elle pourrait essayer de refaire passer cette envie d’éloignement ce soir. La situation n’étant plus la même, elle ne pourrait pas réagir de la même manière qu’elle avait pu le faire jusque là. La voiture s’immobilisa et le moteur s’arrêta. Elle tourna prudemment la tête vers son ancien petit ami, laissant un visage neutre. Ses mots … Elle n’avait même pas à répondre en fait. Elle haussa les épaules et regardait dehors – encore.

« Bill, garde ce sourire pour tes fans » se chuchotait-elle mentalement. Il faisait des efforts, elle serait aveugle de ne pas le remarquer mais elle avait cette angoisse que tout redevienne comme avant en une fraction de seconde. Les portes se déverrouillèrent, faisant sursauter la jeune femme. Elle pourrait partir en courant, sauf qu’elle n’y arrivait pas. Comment peut-on être si partagé entre deux envies si contraires ? Elle avait besoin de réfléchir et elle aurait le droit de le faire toute la soirée. C’était comme s’il voulait accélérer les choses ce soir. « Tu vas encore trop vite, fais attention » se dit-elle – plus pour lui que pour elle – intérieurement. S’en suit qu’elle sortit de la voiture, son ex se comportant comme ce qui pourrait être le plus parfait des petits amis. Pourrait. Elle adressa un léger sourire à son égard en guise de remerciement et fut " prisonnière " contre lui.

Cette attention se voulait d’être charmante, même si elle ne laissait passer ni réaction chaude ou froide. Juste un contact. Elle aimait cette sensation, mais elle bataillait toujours en elle-même pour ne pas penser. Penser, c’est se prendre la tête, c’est se laisser glisser vers les sentiments, et ça termine par des regrets. La plupart du temps en tout cas. Encore une fois, une attention pour elle. Elle ne savait pas trop comment réagir alors elle acquiesçait juste, regardant ailleurs pour ne pas craquer. Elle se rendit compte – bien trop tard – où l’emmenait Bill. Non pas qu’elle soit du genre froussarde, mais simplement qu’elle préférait tout faire sauf ça. Bien sûr, elle savait pourquoi il l’amenait là-dedans.

« Bill … »

Mais ce ne fut qu’un souffle à peine audible car ils entrèrent dans le wagon et tout commença. Elle essayait de fermer les yeux, de penser à autre chose que les bruits qu’elle entendait. Au début, c’était facile. Le monde extérieur n’existait plus. Elle sentait juste la présence de l’androgyne à ses côtés, mais rien d’autre. Elle aimerait faire plus souvent le vide dans sa tête ainsi, ça lui éviterait de revenir à des moments qu’elle rendait de plus en plus nostalgique. Comme celui-ci. Surprise, elle ouvrit rapidement les yeux vers la main de son ex petit ami qui venait de se poser sur la sienne. Se canalisant juste sur ça, elle remontait son regard dans celui de son interlocuteur.

« Tu as ta main sur la mienne »

Banal, mais elle avait répondu sans hésitation et sans trop attendre. Une réponse parfaite, même si elle préférait que cette main si rassurante ne quitte pas la sienne. Enfin si, elle serait moins crispée sur son autre main sur son jean, mais elle ne montrerait pas ce petit détail aux yeux du brun. Elle baissait le regard en priant pour qu’il la retire rapidement et que ce foutu manège finisse. Quand bien même il terminerait vite, elle ne savait pas à quoi s’attendre maintenant. C’était clair – comme depuis longtemps – qu’il essayait de la récupérer. Elle en avait le cœur net mais celui-ci luttait sans merci contre son esprit et son corps. Imaginez le bordel qui se trafique dans son propre corps. Elle ne sait même plus où donner de la tête. Si, à lui, enfin à repousser ce qu’il fait. Avait-il réussit à la rendre folle à son tour ? Elle n’osait même pas y penser.

Hanna trouvait ça si compliqué. Enfin, elle le compliquait elle-même. Elle ne savait plus quoi faire ni quoi dire. Juste qu’elle avait comprit que lui n’était pas le seul à s’embrouiller, elle était très forte à ça aussi. Et là, elle se trouvait dans une sacrée impasse. Les derniers mots de Bill résonnaient dans sa tête. Bien évidemment qu’elle s’était rendue compte qu’il avait mit sa main ici, mais elle pensait qu’il comprendrait à ses mots qu’il fallait qu’il l’enlève. Encore un message non passé. Mais est-ce vraiment ce qu’elle voulait ? Elle se mordait l’intérieure de la joue. Son angoisse montait en flèche, mais elle ne bougeait pas. Mon dieu qu’elle aimait ce contact ! Elle ne dit cependant rien, trouvant pour une fois que le silence était la meilleure des armes. Surtout qu’elle savait que ses joues chauffaient, mais ça, elle le cachait habillement derrière ses cheveux et en tournant la tête. Cette attraction ne lui faisait pas peur, surtout pas en sachant qu’il se tenait si près d’elle. Elle se giflait mentalement de se dire ça.

S’enfuir. Une partie de son cerveau lui criait encore de le faire, mais elle n’y arrivait toujours pas. C’était comme s’il avait percé la carapace et fait tomber toutes ses armes. Elle se sentait si mal de façon si vulnérable. Elle se détestait carrément. Avant qu’elle ne fasse une erreur en parlant, l’attraction se stoppa. Ouf. Elle levait à peine les yeux vers lui, tâchant de ne rien faire qui pourrait entraîner le brun à croire qu’elle partirait. Il savait qu’elle ne le ferait pas. Il savait trop de chose sur elle. « Je hais cette façon que tu as Bill de me faire me sentir ainsi » se répétait-elle en boucle. Ne sachant pas ce que serait la prochaine attraction, elle se laissait guider par son ex petit ami, frémissant à leur main l’une dans l’autre.

La grande roue. Elle pensait y échapper. Dans tous les films, il se passait quelque chose là-dedans. Une scène d’amour avec un premier baiser, une partie de jambes en l’air dans la nacelle – elle se demandait encore comment c’était possible si rapidement – ou d’autres scénarios du genre. Elle prit place en face de l’androgyne. « Garder ses distances, ne rien dire et prier pour qu’il n’y ait pas de panne d’électricité » ironisa-t-elle pour elle-même. Elle ne savait même pas quoi dire. Stupide n’est-ce pas. Mais elle n’avait pas à se justifier encore sur leur rupture, non ? Déjà que tenir sa langue par rapport à Tom était par moment comme marché sur une corde raide au-dessus d’un bassin de crocodiles.

Elle buvait chaque parole. S’il savait à quel point elle aime sa voix. Elle ne s’amusait pas parce qu’elle ne le voulait pas. Elle se l’interdisait en sa présence. Le terme « juste ami » ne pourrait jamais marché, mais elle ne savait pas si elle pourrait revenir vers lui. Elle avait le pouvoir de ça, mais franchement, elle haïssait ça. Quand il eut fini, elle mit un petit moment avant de prendre la force nécessaire pour répondre en une assez longue tirade pour dire – presque – tout ce qu’elle avait à dire. Ça aurait été plus facile s’ils n’étaient pas juste coincés tous les deux pratiquement en haut de la grande roue, mais elle devait le faire.

« On pourrait manger ici, ensuite on irait voir un film et pourquoi pas aller en boîte »

Un exploit qu’elle accepte tout ceci alors qu’elle ne mettait que de la mauvaise volonté depuis le départ. Elle voulait juste essayer et voir où ça les mènerait. Un test, voilà ça doit être ça. Elle regardait le bas, les lumières de la fête foraine et revenait vers le brun.

« Je comprends Bill, juste … Ne me dis jamais de t’oublier »

Erreur sûrement de sa part, mais elle se sentait mieux maintenant qu’elle l’avait dit. Elle ne voulait pas – jamais d’ailleurs – qu’il se sous estime ainsi, même si elle est une véritable garce avec lui. Il n’avait pas le droit de lui dire ou lui demander ça, c’était hors de question. Oublier une personne que l’on aime, c’est tout bonnement impossible. Sinon, c’est comme renier que l’on a aimé cette personne un jour et c’est encore plus une erreur que de lui dire qu’on l'aime encore. Le sentiment d’amour ne s’efface jamais, même si dans certains cas il fait place à de la haine ou de l’ignorance. Il reste préserver pour toujours. La folie humaine doit bien être basée sur quelque chose, autant mettre cette faut sur l’amour.

Oh oui, la jeune brune était bel et bien sérieuse. Elle savait qu’elle avançait en terre inconnue, mais autant risquer et en fait, elle ne pourrait pas – maintenant qu’il l’avait « enlevé » - repartir chez elle comme si de rien n’était. C’était plus fort qu’elle. Juste, elle ne voudrait pas gâcher cette soirée si elle ne ressemblait pas à celle dont rêvait – elle s’en doutait – Bill. Sa déclaration ravit celui-ci en tout cas. Il n’en revenait pas et elle non plus trop en fait. Avait-elle encore parlé ou accepter trop vite ? Sûrement mais au fond d’elle, elle ne regrettait plus désormais. Enfin, c’était encore très confus. Elle voyait juste le Bill heureux dont elle était tombée amoureuse et plus le Bill triste et sans vie qu’elle avait laissé. Il lui laissait tous les choix possibles et inimaginables. Elle ne put se retenir de sourire davantage. Ça avait été ce qu’il manquait dans leur relation, même si elle préférait aussi qu’il prenne des décisions, c’est lui l’homme quand même !

Rien que voir son sourire lui fit chaud au cœur. Elle détournait le regard quand même, histoire de ne pas être trop … trop quoi. Elle le suivait – bien qu’elle dut presque courir tellement il allait vite, ce qui la fit sourire encore plus – et entrait avec lui dans le restaurant. Elle croisait les yeux brillants de Bill et ne put se résoudre qu’à se plonger dans ces beaux yeux marron. Limite il la transperçait du regard. Il la réveilla en lui demandant ce qu’elle voulait manger. Ah oui, ça. Logique hein, dans un endroit pareil, on vient pour manger. Elle tournait la tête autour d’eux et attrapait un petit menu posé sur la table.

« Bien … un sandwich … le truc le plus simple et à boire, s’il te plait »

Posant le petit bout de papier, elle le suivait du regard, le détaillant sous toutes les coutures. Cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas permis cela et franchement, ça lui faisait un bien fou. Elle dut revenir sur terre en le voyant revenir avec à manger, constatant qu’il n’avait pas prit grand chose à manger pour lui-même. Elle le forcerait bien, juste pour voir à son tour comment lui réagit. Elle mordait dans son sandwich en écoutant le chanteur parler et elle éclata de rire. On dirait qu’il était monté sur pile inépuisable.

« Oh Bill, pourquoi pas, j’ai hâte de découvrir tes talents de tireur » dit-elle en calmant son rire.

Elle espérait silencieusement qu’il ne fasse pas une attaque. Son comportement avait lui aussi changé, mais on va dire que la bonne humeur revenait. Comme au début. Et ça lui plaisait beaucoup. Elle continuait à manger le plus proprement possible en regardant plus souvent Bill. « Mauvaise idée » se dit-elle mais ce n’était plus très important vu que de toute façon, elle parlait beaucoup trop. Mais elle en avait tellement envie qu’elle arrêtait de se retenir. Son cœur battait trop bizarrement, ça l’angoissait mais elle mettait en sourdine ce battement, histoire de ne pas devenir sourde avant l’heure.

Son " combat " dans son propre corps devait cesser rapidement sinon sa mauvaise humeur allait refaire surface et elle allait l’envoyer en pleins sur son ancien copain. Surtout que ce n’était pas une bonne idée vue qu’elle venait à peine de faire des efforts pour essayer d’être avec lui, gentille et posée. La soirée – et nuit comme ils allaient en boîte – devait bien se passer et elle ferait son maximum pour qu’il en soit ainsi. Son désir de revenir comme avant se ravivait petit à petit. Mais les choses ne seraient pas si simples. Logique, vu que l’un et l’autre ne l’était pas, la solution n’arriverait pas devant leur nez comme ça. Elle aurait pu l’espérer mais ça aurait été une énorme perte de temps. Son cœur avait chaviré une fois, dans le sens où elle n’avait même pas su quoi faire face aux sentiments si prononcé du brun qui revenait vers elle, alors si elle revenait vers lui pour de bon, elle avait encore cette appréhension que l’androgyne redevienne comme avant – ou pire – et qu’elle ne puisse à nouveau pas le supporter, que tout aille trop vite et que tout s’émiette à nouveau si elle revoyait son frère. Oh non, lui, c’était terminé ! Ça c’était hors de question ! Une fois, pas deux elle ne se reprendrait à son piège.

« N’importe quoi ». Elle retiendrait ça même si elle ne savait pas comment l’utiliser. Bref. Elle murmurait un petit « Merci » et sourit en continuant de manger. Elle avait bien évidemment vu le sourire tout à fait charmant que lui avait adressé Bill, mais elle préférait ne pas trop s’attarder dessus pour ne pas mettre davantage de bordel dans sa tête. Il avait l’air de vraiment avoir hâte de lui montrer de quoi il était capable. Ça l’amusait autant qu’elle espérait qu’il n’en fasse pas non plus des tonnes. Son regard partait de temps en temps vers les frites du chanteur. Pensait-il réellement qu’elle ne voyait pas son stratagème ? Elle ne dirait rien, elle voyait qu’il ne tenait pas en place. L’excitation le rendait vraiment sexy. Non, ce n’est pas ce qu’elle voulait penser … Aem, juste qu’elle le trouvait plus heureux – logique quoi – et elle aimait le voir ainsi.

Une fois terminé, elle enlevait les miettes sur elle et passait délicatement un mouchoir sur ses lèvres. Histoire qu’elle n’en ait pas partout pour le reste de la soirée, ce serait affreux. Elle levait les yeux vers le brun à sa question. Elle le suivit en étudiant la question, réfléchissant tout simplement à son offre. Pendant qu’elle réfléchissait encore, ils s’arrêtèrent devant un stand et elle fut surprise de pouvoir voir qu’en effet, il était plutôt doué. Pas autant que le chant soit dit en passant, mais il se débrouillait bien. De plus en plus, elle appréciait ces gestes affectifs qu’il lui offrait. Il fallait juste qu’il trouve le milieu entre ni trop encombrant, ni trop effacé. Elle se rendait compte que c’était compliqué à trouver, elle-même ne pouvait pas dire qu’elle l’avait trouvé, mais elle était là pour le lui apprendre, non ?

« Le lion ! » cria-t-elle presque en découvrant la peluche caché un peu par les autres.

Le garçon du stand la donna à Bill, puis il lui tendit et elle l’attrapa – presque – en extase devant. C’était juste … trop mignon. Comme quoi, il en faut peu, mais alors très peu pour être heureux. Elle gardait la peluche contre elle en faisant un grand sourire de remerciement à Bill. Il préférait sûrement ça à un petit autre merci chuchoté. Elle baissa tout de même les yeux, atténuant son sourire. Elle était heureuse, oui, mais il y avait toujours cette ombre au tableau qu’elle dessinait elle-même. Se laisser aller. Elle n’y pensait que depuis quelques minutes, mais ça ne s’avérait toujours pas si facile. Elle reprit la route avec l’androgyne et ils s’arrêtèrent à nouveau devant un autre stand. Elle avait presque oublié pour le dessert et elle gardait juste la peluche dans une main pour regarder sur l’écriteau ce qu’il y avait comme choix.

« Hum … je prendrais un Berliner à la fraise. Et toi ? »

Son regard se voulait assez dur. Elle insistait rien qu’avec ses yeux pour qu’il prenne quelque chose. De toute manière, si elle n’arrivait pas à le faire manger maintenant, elle le forcerait au cinéma. Obstinée ? Têtue ? Oui, mais elle ne voulait pas qu’il se gâche davantage la santé, surtout pas en sa compagnie. Elle comprenait qu’il était " trop content " pour manger, mais ce n’était pas une bonne excuse, pas du tout. Elle esquivait un léger sourire pour qu’il ne se sente pas complètement piéger, mais au pire, elle lui ordonnerait de manger la moitié qu’elle lui proposerait. Il avait bien dit qu’il ferait n’importe quoi. Elle se servirait de cette parole pour cela, elle trouvait que l’idée était très bonne.

Gagnée. Elle était bien fière d'elle pour le coup. Fierté personnelle de le voir enfin manger, même si elle voyait que c'était la pire des contraintes pour lui, elle en avait un sourire victorieux aux lèvres. C'était à son tour d'apprécier le goût de son emprise sur lui. Bon ok, elle part très loin là, mais elle le pensait vraiment en tout cas. Trêve de bavardage, elle attrapait la pâtisserie que son – eum, le – brun lui tendait en souriant toujours. Elle l'apportait doucement à ses lèvres et mordit une fois dedans. Elle savourait le plaisir de pouvoir manger un truc pareil. Depuis leur séparation, elle n'avait pas vraiment prit le temps de « vivre » de façon à apprécier les choses. C'était juste qu'elle continuait de sortir mais sans que ce ne soit plus pareil. Ce n'est que toujours comme ça après une rupture. Essayer de ne plus penser à l'autre. La raison de ce " clash " n'était même pas qu'elle ne l'aimait plus. La peur. Ce sentiment qu'elle détestait encore plus que tout au monde – disons autant que le frère de Bill – et qu'elle préférait ne jamais avoir connu – tiens, comme Tom. Non, en fait, le tressé, ça avait été une erreur, énorme et absurde bourde qui lui avait fait encore plus peur sur les sentiments du chanteur.

L'un à côté de l'autre, elle mangeait toujours – en se délectant – ce beignet qui était juste un pur délice. Ou bien la scène était tellement romantique qu'elle avait l'impression qu'il était meilleur. Probablement. Elle montait dans la voiture de son plein gré et refermait la porte, voyant déjà l'androgyne faire le tour pour aller s'installer à côté d'elle. Elle ne put que remarquer qu'il ne verrouilla pas les portières. Avait-il confiance ? Cela la rassurait. Non pas qu'elle décide de s'échapper – elle avait décidé de continuer dans l'optique bonne soirée – mais ça voudrait dire qu'il savait qu'elle ne partirait pas et qu'il – encore – avait confiance en elle. Son cœur loupait quelques battements. Oui, elle était heureuse, mais elle préférait encore rester quelque peu neutre et finir ce Berliner. D'autant plus qu'il mangeait bel et bien. Chacun d'eux avait un bon pouvoir d'influence sur l'autre, sauf qu'elle se bornait à ne pas l'accepter.

« Aucune idée sincèrement, mais on ira voir et … »

Elle venait d'analyser le reste de la phrase qu'il venait de prononcer. « On peut le regarder quelque part tranquillement » Elle ne se sentait pas prête à se retrouver seule avec lui comme ça. Dans une salle de cinéma, il y a d'autre personne, alors que son « quelque part » avait des tendances de « chez moi » pour elle. Son regard faisait des vas-et-viens entre la fenêtre et ses pieds. Réfléchir et dire simplement ce qu'elle pensait.

« On va au cinéma » dit-elle comme simple réponse.

Son ton, elle avait espéré qu'il n'ait pas été trop cassant même si ce n'était pas facile de rester de marbre face à ce qu'elle s'était imaginé dans la tête. Leur rapprochement se présentait bien mais elle se voyait mal aller plus loin. Elle avait choisit de sortir un peu en sa compagnie, mais cela ne voulait toujours pas dire qu'elle serait prête à sortir à nouveau avec lui. Son cœur s'emballait mais elle restait cependant calme. Son regard était à nouveau plongé par la fenêtre. Nouveau blocage. Elle n'y arrivait pas quand il n'y avait pas de " vie " autour d'eux deux, d'autres personnes, du bruit et de l'animation. Ce n'était même pas qu'il n'essayait pas de lui parler ou de la faire rire, juste qu'elle se sentait tellement mal à l'aise qu'elle préférait rester figer et retenir sa respiration le plus longtemps possible. Non, en fait, si elle faisait ça, elle mourrait et puis, elle venait juste de soupirer contre elle-même de réfléchir trop. Beaucoup trop.

Calmant son angoisse du mieux possible, sa seule solution, selon elle, avait été de couper court à toute discussion pour se fixer un point au dehors. Elle se rendait compte que stresser ne servait à rien, mais cela fait partit des choses que l’on ne peut maîtriser. Pas plus que l’amour. Non pas que la jeune brune en ait particulière peur – de le ressentir soi-même – juste de ce que les autres ressentent à son égard. L’incertitude que ce soit sincère ou que cette émotion est prit le pas sur tout le reste. Cette fois-ci, elle ne fut pas surprise d’entendre le moteur démarrer et la voiture avancée. Elle ne partirait toujours pas. Bien qu’elle doive se le répéter tellement souvent que son cerveau saturait avec cette phrase. Elle pourrait encore mais elle lui avait donné sa parole en quelque sorte. Elle ne pouvait pas se défiler. Enfin, elle était libre de le faire, mais elle ne pensait plus qu’à elle maintenant. Il acceptait d’aller au cinéma, donc il avait comprit qu’elle ne voulait pas d’autre chose, d’autre endroit où aller regarder un film.

Sa peluche lion sur ses genoux, son esprit ramenait de plus en plus de souvenirs par petit bout et assez flou encore. Toutes les pensées dont elle n’avait pas voulu se remémorer depuis leur séparation. Ce n’était pas les seuls moments dans sa vie où elle avait été heureuse, mais ce bonheur était différent à celui d’avant sa rencontre avec le brun. Dire qu’elle était désormais son assistante personnelle, en plus d’être son ex petite amie et … Oh oui, beaucoup d’histoire encore, mais ça prenait en compte le jumeau de Bill et elle ne désirait vraiment pas penser à lui tout de suite. Jamais en fait. Elle resserrait la peluche dans ses bras, prise d’une envie soudaine de gueuler sur quelque chose.

Ou quelqu’un. Sauf qu’elle sentait tous ces regards de biais sur elle et elle ne pourrait pas s’en prendre à lui, autant l’avait-elle fait dans le passé. Elle ne regrettait pas leur rupture, ça lui avait permit de faire une pause. Cependant, après une pause, on remet généralement en lecture. Et ça, elle bloquait, comme si le disque était rayé volontairement. Elle anticipait la lecture rapide – comme avant – et elle préférait encore camper toujours sur ses positions, même si elle avait changé ce soir, car elle voulait juste voir s’il avait changé après tout ce temps. Pour le moment, oui, effectivement, et ça la chamboulait encore plus.

Elle levait le nez de sa fenêtre pour regarder le chanteur qui venait de lui poser une question. Elle prit sa peluche devant elle – dans les airs – remarquant au passage que le Berliner de son interlocuteur n’était pas mangé en entier. Bon, au moins, elle se disait qu’il avait fait un effort pour elle. L’attention était très bonne, comme toutes les autres. Dire qu’il avait du l’enlever de chez elle pour qu’elle profite de tout ça. De mauvaise foie, elle ne pouvait pas le renier qu’elle ne l’était pas en tout cas ! Elle fixait son attention sur la peluche, avant de la relâcher pour la serrer dans ses bras.

« Macky » murmura-t-elle, un petit sourire aux lèvres.

Préférant ne pas revenir là-dessus, elle retournait à la contemplation de la ville de dehors. D’un côté, elle se sentait tellement bien – par moment – qu’elle avait l’impression qu’elle pourrait s’approcher de lui et l’embrasser avec passion. D’un autre, comme avant quand ils étaient rentrés dans la voiture, elle ne disait rien et ne pensait même rien. Juste qu’elle voulait que tout se finisse vite, très vite. Et puis, les moments de doute, les pires car elle ne savait même plus quoi dire ou comment réagir face au chanteur. Elle caressait sa peluche du bout des doigts, imaginant déjà dormir avec – la peluche, bien sûr. La voiture s’immobilisa mais le moteur ne se coupa pas. Elle entendit la voix de son ex et se tournait à nouveau vers lui.

« D’accord, pas de soucis »

Des petits mots accolés, elle ne faisait plus de longue tirade. Elle n’en avait pas besoin et puis, lui comblait le vide de parole. Elle adorait entendre sa voix – parler ou chanter – et puis, il prenait des initiatives, elle acquiesçait juste pour dire que c’était cela qu’elle espérait depuis tout ce temps. Son sourire l’enivrait mais elle sortit aussi vite que lui pour ne pas trop y penser. Gardant la peluche à la main, elle ne comptait pas la quitter. En boîte, oui bien sûr, mais là, elle avait besoin de tenir quelque chose et que ce quelque chose ne la lâche pas. Belle métaphore à elle-même tiens. Elle refermait la portière après être sortie et s’avançait vers Bill. Se tenant juste à quelques centimètres de lui, elle dut sourire pour ne pas penser tout haut ce qu’elle avait comme image dans la tête.

Commençant à marcher vers la salle, elle remarquait que sa main de libre était celle vers l’androgyne. Ce n’était pas la main du monde, sauf que celle-ci la démangeait. Mais si elle faisait ça, il se poserait des questions et il se dégagerait sûrement. Ce n’était pas à " elle " de faire ce genre d’actes affectifs. Si un peu, mais là, elle ne savait plus quoi faire. Instant de doute. Elle renforçait sa prise sur sa peluche et s’abandonna à prendre la main de l’homme à côté d’elle. Elle décidait de continuer de marcher, sans relever les yeux vers lui, le cœur explosant limite dans sa poitrine et de faire comme si de rien n’était, toujours crispé sur sa peluche.

Hanna avait vu qu’il avait comprit pourquoi ce nom, mais vu que ce n’était plus la peine d’en parler, elle ne préférait pas non plus y réfléchir. C’est une peluche après tout, ce n’est pas comme si elle avait accepté de sortir à nouveau avec lui ou de l’épouser. Pas du tout. Un petit bout de tissus auquel elle s’attachait avec beaucoup de ferveur, mais elle ne pouvait faire autrement. Il l’avait quand même gagné pour elle, elle reconnaissait le geste sans trop l’exposer. Quand elle lui prit la main, elle sentit qu’il était surprit sûrement par le geste et qu’il la regardait. Mais elle ne consentit pas à croiser ce regard. Trop de souvenirs, trop de moments. Elle appréciait juste le contact qu’elle avait instauré. Un genre de grand merci à sa façon pour la soirée qui n’était pas encore terminée. Elle ne savait pas si elle irait plus loin, pas du tout. Ne voulant pas y réfléchir plus, elle fixait les affiches et horaires. La main du chanteur serrait un peu la sienne, mais elle ne dirait rien. Elle profitait encore trop de cet échanger silencieux.

Un sourire réapparut sur ses lèvres en entendant les phrases de l’androgyne. Elle n’arrivait pas à faire autre chose que sourire quand elle l’entendait parler. Si, avant, elle n’agissait pas de la même façon, mais disons que ce soir, tout revenait à la case départ. Certes, ce qui s’était passé pendant ces mois où ils avaient été ensemble ne s’effacera pas – elle ne le voudrait surtout pas – mais elle revenait faire un pas en avant vers lui et elle avançait à tâtons vers une personne qui avait changé. En mal – niveau nourriture et maigreur – mais en bien et elle le voyait très bien qu’il continuait dans la même optique. Elle hésita un peu avant de prendre la parole, relâchant sa prise sur la peluche pour être moins crispée sur la main de son ancien copain.

« Alors … »

Mais sa voix se brisa si rapidement qu’elle espérait qu’il n’est même pas entendu ce début de phrase. Elle venait de sentir les doigts de Bill caresser sa main et c’était juste une torture pour elle. Dans les deux sens. Elle bloquait à nouveau. Elle faillit retirer sa main mais il cessa. Heureusement d’ailleurs. D’un autre côté, elle avait été prise d’une chaleur dans son corps entier. Un merveilleux supplice si l’on peut dire. « Reprends-toi Hanna » s’encourageait-elle mentalement.

« … je te propose d’aller boire quelque chose mais ensuite, c’est toi qui choisit le film que tu veux et puis, ça me fera plaisir »

Le « ça me fera plaisir » était tellement sincère qu’elle se mordit la lèvre d’avoir dit ça. Elle serrait un peu les dents avant de sourire en priant qu’il n’est pas relevé ce petit bout de phrase. Bien qu’elle soit déjà persuadée qu’il l’analysait sous toutes les formes. Au pire, elle trouverait une parade pour lui faire comprendre que c’était juste parce qu’elle voulait qu’il choisisse aussi de temps en temps, comme dans un couple où on choisit l’un après l’autre. Bon, d’accord, elle a eu de la chance de ne pas dire ça. Elle lui aurait fait faire une attaque. Finalement, ce n’était qu’une petite erreur face à l’immense bourde qu’elle aurait pu faire. Elle réfléchirait tout de même plus après, avant de parler.

Étonnée. Non pas qu’elle ne lui ait pas demandé, mais juste qu’il ait accepté sa requête. Il lui avait pourtant dit qu’il ferait n’importe quoi, mais ça lui faisait quand même une sensation de chaleur au cœur, malgré la distance qu’elle préservait encore et toujours. L’attitude du brun changeait vraiment, elle tombait presque sous le charme, mais pas totalement. Si, mais elle se battait contre. Bref, c’était le même problème et ça ne changerait pas. Peut-être qu’un verre l’aiderait, même si elle n’était pas adepte de l’alcool et surtout pas à trop grande dose. Ce sourire sérieux, elle savait pourquoi elle avait craqué dessus. Qui pourrait y résister !? Ce serait de la torture de faire ça ! Elle ne pouvait pas se résilier à ne rien ressentir. Chasser ces idées étaient le seule moyen de ne pas " chuter " et revenir contre lui. Cruel choix. Elle constatait qu’il n’attendait que ça, qu’elle revienne vers lui – elle se répète mais elle doit s’en rendre réellement compte – mais c’est encore les problèmes habituels qui reviennent.

Une fois dans la voiture, elle ne collait pas son nez contre la vitre. Non, son regard faisait plus d’aller et venu vers le brun et sa peluche – histoire de faire genre qu’elle ne fixait pas que lui quoi. Arrivée au port, elle regardait dehors. Couchée de soleil. D’accord, il marquait de plus en plus de point, mais elle restait toujours au même niveau. Elle ne sortirait plus avec lui. Elle laissa sa peluche dans la voiture – tout de même – et apprécia encore une fois le contact avec l’androgyne. Elle l’apprécierait toujours ça. Elle s’assit en face de Bill, une table proche de l’eau, les pieds dans le sable. Avec le couché de soleil, ça faisait vraiment rêver. Elle ne pouvait pas mieux recevoir. Si bien sûr, mais c’est son seul soucis en ce moment.

Prenant la carte, elle fit attention à ne pas ne serait-ce qu’effleurer les doigts de son ex petit ami. Pas trop de contact non plus sinon sa tête allait surchauffer et ce serait un peu bête qu’elle pète un câble maintenant. Très dommage. Entendant cette voix qu’elle connaissait si bien, elle plongeait son regard dans la carte. Enfin, toujours à moitié vu qu’elle appréciait la vue de l’homme en face d’elle. Elle se haïssait de tellement réfléchir et de ne pas lui sauter dessus en lui criant qu’elle … Non ! Ne pas penser à ça, pas maintenant ni plus jamais ! Pour ce faire, elle regardait ce que lui avait proposé le brun. Elle refermait la carte à son tour et se confronta aux yeux de cette même personne. Dur de résister …

« Une Piña Colada alors »

Elle sourit et il passa commande pour eux deux. Un stress pas croyable augmentait en elle. Elle se demandait presque si elle n’aurait pas du prendre sa peluche. Lui était très calme. En même temps, avec la musique, c’était normal. Sauf qu’elle n’y trouvait pas de calme à ça. Non, elle préférait comme dans la voiture, aucun bruit et juste regarder dehors. Mais ils étaient totalement dehors et elle ne pouvait pas faire s’arrêter cette musique. Heureusement pour elle, il fermait les yeux et donc ne voyait pas son anxiété. Prochaine parole, prochain blocage. Sauf qu’elle devait y remédier, évidemment.

« Si … C’est certain … J’aimerais bien aussi mais … Oui, on ne peut pas »

Faux, mais pas entièrement non plus. Compliqué encore, comme toujours. Ça ne l’était sûrement pas assez apparemment, mais elle s’en voulait d’un côté pour ça aussi. On leur apporta leur verre. Elle fixait le sien. Franchement, si elle pouvait, elle le viderait cul-sec et les enchaînerait un par un. Sauf qu’ils avaient prévu d’aller voir un film, donc ne pas être hs serait une bonne idée, et de sortir ensuite. Elle se demandait d’ailleurs comment tout cela allait se passer. Encore plus d’angoisse montait. Elle prenait le verre dans ses mains – tremblotantes – et l’apportait à ses lèvres pour boire une gorgée, puis le reposer. Il avait eu raison, c’était juste bien. Pas trop d’alcool – bien qu’elle ne puisse même pas dire lequel c’était – et le goût la ravivait. Enfin elle pouvait calmé la pulsation frénétique engendrée par son cœur.

Se rendant compte que le cocktail la faisait moins stressé, elle reprit doucement une petite gorgée. Elle n’était pas au point de boire ça vite fait et recommander par-dessus pour atteindre l’ivresse. Elle n’aimait pas ce genre de vie. Elle y avait pensé, mais elle avait un travail, une vie seine et … Ah non, elle n’avait plus de petit ami, mais elle avait des amis. Et un ex. Oui, ça fait une différence vu qu’elle bosse pour lui et qu’ils sont souvent amenés à se voir, même si c’est moins qu’avant, bien entendu. Ses yeux rivaient peu à peu vers le magnifique coucher de soleil qui se dessinait à l’horizon, même si celui-ci n’avait pas encore entamé sa disparition. Son esprit lui aussi divaguait dans les souvenirs qu’elle préférait refouler. Des briques de moments, des rires à répétition qu’elle aurait voulue éternel. Mais qu’est-ce que l’éternité dans une vie si courte ?

À cette pensée, son cœur reprit ce rythme effréné dans son corps. Elle aurait pu profiter plus longtemps de l’amour qu’il lui avouait, mais elle avait fait un autre choix. Qui pourrait lui dire que c’était le meilleur ou le mauvais d’autre qu’elle ? Son avenir, elle le choisissait elle-même, sans aide de personne. Peut-être – non c’était certain – que ce n’était pas une bonne idée de se rétracter sur soi-même à cause des peurs que l’on ressent vis-à-vis de certains sentiments. Sans s’en rendre compte, son regard avait fini par se noyer dans celui du brun. Elle s’auto-insultait de ne pas s’en être rendu compte avant et se félicitait de ne pas rougir aussi facilement. Elle écouta attentivement et avec beaucoup de soin l’androgyne. Son cœur se changea en cette affreuse chamade.

« On l’a déjà fait, oui » Le passé est le passé, c’était encore sa conviction présente. « D’accord … je me disais bien qu’il me manquait des affaires » dit-elle en se rappelant qu’elle avait cherché déjà quelques habits et autres accessoires chez elle dont elle n’arrivait plus à mettre la main dessus. « Ce n’est pas ça dont j’ai peur » souffla-t-elle à voix basse.

Ces derniers mots furent très sincères. Elle n’avait pas de raisons d’être terrifiée à l’idée de dormir avec le chanteur, s’il lui sautait dessus, elle le repousserait – non sans mal – point final. Plutôt de tomber amoureuse de lui à trop parler ce soir-là, oui, ça elle le redoutait, évidemment. Mais elle savait que ça n’arriverait pas de si tôt et puis, si elle était juste dans la chambre d’amis, elle s’ennuierait à mourir et cédera de toute manière à aller avec lui. Quoiqu’elle puisse avoir quelque peu peur d’une intrusion du jumeau du brun dans sa chambre. Elle s’enfermerait à clé au pire. Oh ! elle ne devait pas y penser, sinon elle serait capable d’y dormir ce soir.

N’empêche qu’elle adorait l’idée. Baffe intérieure. Elle remarquait dans ses pensées que son interlocuteur avait l’air d’hésiter à lui parler. Elle ne savait pas trop de quoi il redoutait de lui parler. Leur séparation sûrement, mais elle ne se sentait pas si prête que ça à parler de ça. Ses arguments tenaient de moins en moins la route plus elle restait avec lui. Comme si elle pourrait lui dire qu’il n’était pas à son attention, qu’il ne proposait rien, etc… Impossible, pas avec tous les efforts qu’il faisait. Elle n’avait qu’une échappatoire pour une raison de leur rupture. Premiers mots toujours hésitants, elle ne louperait pas ça.

« Ça à l’air important apparemment, dis-moi toujours » lui glissa-t-elle. Autant essayer de s’ouvrir, si lui le faisait. « Je … oui … moi aussi » chuchota-t-elle presque, sentant ses joues picotées. « Pas de soucis, je te suis » répondit-elle un peu plus convaincue d’elle-même.

Le soleil baissait petit à petit et elle ne put s’empêcher de le fixer. Sa main sur son verre avait envie de revenir comme avant prendre celle de l’homme en face d’elle, mais la scène lui paraissait trop … Comment dire … « Romantique » déjà pour qu’elle se permette ce geste à nouveau de cette façon. Ce serait plus simple s’ils étaient ensemble encore, mais cette solution n’était pas envisageable. Pas ce soir, pas maintenant. Un jour viendra où elle aurait peut-être moins peur de ce qu’il avait à lui donner. Elle l’espérait même elle-même mais en attendant, elle devrait rester à distance. S’il se rendait compte à quel point ça l’insupportait aussi de ne pas pouvoir le toucher autant qu’elle le voudrait, mais il ne pouvait même pas soupçonné ça … Pas de la façon dont elle avait mit un terme à leur couple.

Si elle ne se reprenait pas, elle craquerait si facilement et dirait des choses qu’elle ne pourrait sûrement pas respecter car demain elle se rendrait compte qu’elle avait parlé trop vite et elle s’en voudrait encore plus d’avoir fait de faux espoirs à l’androgyne. Elle devait lui avoir assez brisé le cœur comme ça, en rajouter une couche ne serait pas la meilleure chose à faire. Depuis quand elle pensait à lui !? Ce soir … non en fait, depuis leur séparation. D’abord, c’était facile, vu que c’était elle qui avait cassé, mais au fur et à mesure, elle se remettait en question de savoir si c’était toujours bon ce qu’elle avait fait. Elle se répète mais cette réflexion la mènerait peut-être à une solution concrète et non du flou perpétuel. Si seulement oui. La conversation l’embrouillait encore plus, mais si elle devait s’embrumer pour essayer de tout comprendre, elle acceptait.

« Hum … un jour, pourquoi pas » dit-elle en se mordant la lèvre en se rendre compte qu’elle en disait beaucoup trop, mais qu’au fond d’elle, elle espérait bêtement. « Ah mes affaires … » Piège ou pas ? De toute façon, elle ne lui avait pas dit qu’elle voulait les récupérer la première fois qu’il en avait parlé, donc ça voudrait dire qu’elle comptait revenir, non ? « Si elles ne te dérangent pas, je peux les laisser ? »

Une réponse évasive pour ne pas annoncer clairement « aussi peut-être qu’un jour, je reviendrais dormir » même si elle l’avait bien sous entendu. Son ventre se tordit d’un coup en un supplice affolant. Elle n’oscillait cependant pas, pensant à autre chose. Comme ce soleil qui disparaissait encore plus que le temps passait. Son regard se fit noir et intense quand elle entendit la question du brun. Il n’aurait pas pu faire pire comme demande, surtout de lui dire que ça lui ferait du bien d’en parler. Elle se mordillait nerveusement la lèvre et préférait garder le silence, tout simplement. Elle avait dit qu’elle ne s’en prendrait pas à lui, donc elle préférait oublier ce qu’il venait de demander et boire rapidement deux gorgées de sa boisson.

Apparemment, elle n’était pas la seule à ne pas vouloir parler. Zéro partout, match nul, donc il fallait trouver un autre sujet de conversation. Tant qu’elle ne lui forcerait pas la main pour parler, il ne pourrait pas le faire. Son regard se radoucit, sursautant à peine avec un long frisson quand la main du chanteur se posa sur la sienne. Elle fondait à ça, juste ça. Finalement, ils n’avaient pas tellement besoin de parler que cela. Si elle continuait à réagir de cette façon, ses points faibles seraient si simples à détecter qu’il pourrait lui faire faire n’importe quoi. Quand même pas, mais presque. Elle tuerait pour goûter à ses lèvres … Hum non ce n’est pas ça ! Elle … oh merde, elle retira sa main en murmurant un « désolée » et finit son verre, avant de ne concentrer que son attention sur le soleil.

Quitte à s’en faire mal aux yeux, ce sera toujours une moins grande torture que de regarder son ancien petit ami. Son cerveau marchait en accéléré. Pourquoi ne pas lui dire sa peur finalement, il ne pourrait rien y faire vu que c’était uniquement – ou presque ? – de sa faute. Non, ce serait admettre une faiblesse. Alors pourquoi ne pas lui demander à lui le problème ? C’était elle le souci majeur en fait, mais elle se disait qu’il y avait eu juste quelque chose entre eux qui ne marchait plus et que voilà. Une de ses mains se posait sur son ventre pour appuyer dessus, imaginant que la douleur parte toute seule. Dire que la soirée n’était par encore finie et qu’elle était à deux doigts de faire comme avant : gueuler un bon coup et vouloir partir loin de lui …